Croatie

Entretien réalisé avec Sonja – Ecologica, Zagreb

 

Ecologica est une association sans but lucratif, créée il y a une dizaine d’années. Les domaines d’action d’Ecologica sont l’agriculture biologique, mais aussi la préservation de l’environnement et de la biodiversité. Elle s’intéresse également aux problèmes liés au changement climatique. Les membres de l’organisation ne sont pas des agriculteurs, mais des experts sur ces thématiques (agronomes, conseillers agricoles, scientifiques…). Les projets que mène Ecologica sont à moyen et long terme (2 à 6 ans). L’association a débuté son travail par l’organisation de journées d’information  sur la certification biologique des exploitations agricoles. Ensuite, elle a acheté 3 herses étrilles qu’elle a mis à disposition aux agriculteurs (prêt gratuit pendant 1 an, avec échanges entre agriculteurs). Parmi ses nombreux projets actuels, Ecologica se charge de la formation des conseillers agricoles biologiques, publie un magazine gratuit 4 fois par an sur des sujets divers, selon le projet qu’Ecologica mène. De nombreux essais techniques sont réalisés : engrais verts, bandes fleuries, variétés résistantes… Ecologica organise également des journées portes-ouvertes dans les exploitations biologiques. Auparavant, cette association a beaucoup travaillé pour la rédaction du règlement croate relatif à l’agriculture biologique et pour l’obtention de subventions destinées aux agriculteurs biologiques. Puis, elle a incité les agriculteurs à créer « l’association croate de l’agriculture biologique ». L’objectif est de leur faire gagner en autonomie pour la construction de l’agriculture biologique de leur pays.

L’agriculture biologique étant faiblement développée en Croatie (800 agriculteurs, 10 000 Ha soit 1% de la SAU), les services d’Ecologica sont gratuits. De plus, le conseil agricole en Croatie est financé entièrement par l’Etat : les agriculteurs ne sont pas prêts à payer pour un tel service. Le règlement croate relatif à l’agriculture biologique existe depuis 2002. Il est équivalent au règlement européen. Il existe un label national : « Hrvatski Eko Proizvod », soit « Produit biologique croate ». La certification est réalisée par 6 organismes privés et indépendants. Les agriculteurs biologiques perçoivent une subvention de 400 €/ha en moyenne, soit 30% de plus qu’en agriculture conventionnelle. Celle-ci devrait passer à 700 €/Ha dès l’année prochaine. En Croatie, la grande majorité des agriculteurs réalisent une agriculture vivrière, car le gouvernement soutient financièrement ce mode de production. En effet, la Croatie compte 500 000 exploitations, d’une taille moyenne de 3 Ha. Selon Sonja, ces agriculteurs n’ont pas intérêt à intégrer l’Union Européenne, car les subventions de la PAC (Politique Agricole Commune) seraient plus faibles que dans leur pays. Le pays importe de nombreux produits biologiques, et certaines filières comme le lait bio n’existent pas. Selon Sonja, les agronomes ne soutiennent pas l’agriculture biologique, qu’ils voient comme un mode de production archaïque.

L’ensemble des formations et réunions organisées par Ecologica sont ouvertes à tous les agriculteurs qui souhaitent y participer. Ecologica travaille également avec des agriculteurs sur des projets individuels. Par exemple, elle a réalisé une étude de marché pour un agriculteur qui souhaitait commercialiser sa production maraîchère et biologique. Le projet développé repose sur la vente de « green boxes ». L’agriculteur est aujourd’hui capable de livrer tous les deux jours à 300 familles, une boite qui contient les aliments qu’elles ont commandés. Ce mode de commercialisation est particulièrement pratique pour les consommateurs car ils sont livrés à domicile. Cependant, ce travail présente certaines contraintes pour l’agriculteur car il doit avoir une production diversifiée pour proposer une large gamme de produits. Cet agriculteur peut mener un tel projet puisqu’il est situé près de Zagreb (bassin de consommation) et possède 70 ha et 11 employés. En revanche, pour les plus petites exploitations ce n’est pas possible. Seule une coopération entre plusieurs agriculteurs permettrait à d’autres projets de se développer ; mais les agriculteurs y sont réticents : forcés à adhérer à des coopératives nationales pendant le communisme, ils acceptent difficilement ce genre d’association. Par ailleurs, une telle commercialisation nécessite des investissements et un savoir particulier que les agriculteurs n’ont pas forcément. Aujourd’hui, Ecologica accompagne l’agriculteur dans son projet par la rédaction de lettres d’informations destinées aux consommateurs : des recettes y sont par exemple présentées. Des sessions d’informations sur le thème de l’agriculture biologique sont organisées pour les consommateurs. Ecologica se charge également de la promotion des « green boxes » par l’intermédiaire des médias.



Entretien dans le bureau de Sonja

Entretien réalisé avec Zlata Nanic dont l'entreprise est


biozrno@inet.hr

www.bio-zrno.hr

 

Innovations :


Cuisine macrobiotique : la nourriture est considérée comme une médecine

- Repas rapides complets locaux, artisanaux et macrobiotiques vendus dans un magasin bio

Exploitation de 12 ha capable d’offrir du travail à 11 personnes

 

La ferme écologique de Zlata Nanic, est située à Habijanovac, village à 60 kilomètres de Zagreb. C’est sur une exploitation de 12 ha, où sont employées six personnes, que sont cultivées des céréales, des légumes, des fruits et des plantes médicinales. L’élevage de 30 chèvres permet un atelier de fromages mais surtout, une autonomie en fertilisation organique. L’exploitation Zrno (signifie graine en Croate) est la première et la plus vieille ferme organique de Croatie avec le plus large spectre de culture. La ferme a été créée en 1988 et a été l’unique oasis où les fertilisants minéraux et les pesticides n’étaient pas utilisés. C’est également un lieu d’accueil où le gite et le couvert sont proposés aux touristes mais aussi aux personnes venant assister aux formations que Zlata organise. Un programme appelé « du champ à la table », propose plusieurs fois par an des séminaires et des conférences portées sur l’agriculture biologique et sur la cuisine « macrobiotique » que nous présenterons par la suite. Ces formations sont organisées par le biais de l’association « Terre vivante », que Zlata a présidé pendant de nombreuses années. Elle possède par ailleurs un magasin en plein cœur de Zagreb, où elle offre un emploi à 4 autres personnes. Elle transforme une grande partie de sa production et propose des repas froids et complets, à manger sur le pouce. Tous les plats sont transformés de manière artisanale sur l’exploitation. L’ensemble de la production est valorisé à travers des circuits courts : sur la ferme, au magasin et grâce à la vente en ligne, pour laquelle les commandes sont envoyées par voie postale ou en bus.

 

Zlata a réalisé des études d’économie et a travaillé pendant 31 ans pour un cabinet d’assurances. Suite à de graves problèmes de santé, elle s’est intéressée à la cuisine « macrobiotique ». Nécessitant des produits biologiques qu’elle ne parvenait pas à trouver à cette époque, Zlata décida de créer sa ferme biologique. A partir d’aliments sains (biologiques ou bio-dynamiques), la cuisine macrobiotique vise à la préparation de repas équilibrés en nutriments, en vitamines mais aussi en « énergie » portée intrinsèquement par les aliments. Cet aspect méconnu par la majorité des nutritionnistes, est une réelle médecine : « ta nourriture doit être ta médecine et ta médecine doit être ta nourriture » selon le philosophe grèc Hypocrate. La cuisine macrobiotique est végétarienne. Il faut beaucoup de céréales et de légumes ainsi que des petites quantités de fruits, de haricots (protéines)... Par ailleurs, l’association des aliments est un point primordial. Des repas ainsi composés sont équilibrés en énergie et peuvent être considérés comme des médicaments. Même si cela peut paraître incroyable, de graves maladies peuvent être ainsi soignées, comme le cancer ou le diabète. Depuis qu’elle a adopté cette alimentation, Zlata a réussi à guérir les graves problèmes de santé auxquels elle était confrontée. Certains aliments ne sont pas recommandés en macrobiotique puisqu’ils apportent au corps humain des énergies extrêmes et qui peuvent s’opposer comme le lait et les œufs. Les pommes de terre, les tomates, les aubergines… doivent être consommées avec modération puisqu’elles contiennent certaines substances qui nuisent à notre organisme (ex : solanine).

Plus qu’une alimentation, la macrobiotique est aussi une philosophie : vivre en harmonie avec la nature. D’origine orientale, elle a été pensée par le japonais Georges Oshawa. En Croatie, Zlatkopegic est la référence. Elle s’intéresse à l’ensemble des facteurs qui ont une influence sur la santé humaine. Par exemple, il est nécessaire de respecter les saisons : on ne mange pas des tomates ou des fraises en hiver. A cette période, il est normal que la température de la maison soit plus faible qu’en été, inutile de chauffer jusqu’à 25°C. Une vie stressante et trop préoccupée peut avoir de lourdes conséquences sur notre santé. Ainsi, il est nécessaire de réaliser un travail intérieur ; l’objectif est d’essayer d’avoir une attitude positive en toute circonstance. Il est important de préciser qu’il n’existe pas une forme de macrobiotique, mais une diversité liée aux cultures, aux climats, aux traditions et aux personnes. Chaque région possède sa propre macrobiotique.

 

Zlata transforme une grande partie de sa production en respectant les principes de la macrobiotique. Elle associe des recettes traditionnelles et des plats innovants : des soupes de légumes sont préparées à l’ancienne, du pain associant une grande diversité de céréales est fabriqué, des confitures avec toutes sortes de fruits rares pour certains, sont cuisinées. Elle réalise des steaks végétaux et du jambon végétarien à base de protéines de blé, du tofu (fromage de lait de soja), et divers plats aux milles plantes et légumes. Elle a rédigé plusieurs livres de cuisine à partir de ses recettes, et d’ingrédients du jardin.

 

Zlata utilise une technique ancestrale locale pour la conservation des légumes « racines » (pommes de terre, carottes, navets…) en extérieur. Cette technique est appelée « Trap » en croate. Elle consiste à couvrir le sol avec 20cm de paille, et de réaliser un tas de légumes par-dessus. On recouvre cette pile avec la même hauteur de paille, et on creuse tout autour en accumulant la terre sur la paille. L’épaisseur de terre doit être d’environ 30cm. On forme ainsi une « île », où seule la terre est visible. Ainsi, une gouttière est formée, et permet à l’eau qui ruisselle sur la pile d’être évacuée. Les légumes peuvent être conservés 3 à 4 mois de cette façon, à l’abri de la pluie, du soleil et du gel.

 

Zlata est une personne qui s’implique énormément dans ce qu’elle fait. En plus de la ferme, d’autres activités l’animent, comme le parlé de l’Esperanto, langue universelle. Sa maîtrise de la langue est très grande, elle se rend au congrès mondiale de l’esperanto chaque année, et elle a même traduit l’un de ses livres de cuisine !



Un déjeuner macrobiotique préparé par Zlata
 

Entretien avec Milivoj Rakar – éleveur de dindes bio


Innovation :
 
- Financements du gouvernement pour la préservation d’espèces animales locales


Milivoj dit Miki, vit sur la commune d’Oriovac au sud de la Croatie, tout près de Slavonsky Brod. Il exploite 465 Ha en agriculture biologique, ce qui en fait le 3ème plus gros agriculteur biologique du pays. Ses activités tournent autour de l’élevage et de la production végétale.

L’objectif de l’élevage, en plus de la production de dindes, est de préserver des races locales. Pour cela, Miki dispose de financements accordés par le gouvernement. Ainsi il élève une grande diversité d’animaux locaux : anesse (race Istrian), moutons croates, dindes (Zagorie), cochons (noirs de Slavonie). Miki possède une reconnaissance de l’état, qui lui permet de certifier la race lui-même ses animaux lorsqu’il les vend. Chaque animal possède une puce électronique qui permet de l’identifier.

Le principal atelier est la production de dindes bio : 2000 bêtes menées en 6 mois. Miki possède un incubateur contrôlé par ordinateur : il est indépendant pour l’éclosion des œufs de dindes et donc pour l’élevage des animaux.

Concernant les productions végétales, Miki cultive environ 40 Ha pour être autonome dans l’alimentation de ses animaux. Les 100 tonnes de céréales produites sur ces surfaces sont conservées dans un silo, mélangées puis broyées en farine. Le reste des surfaces est dédié à la production de céréales bio qui sont vendues : maïs, blé, tournesol, orge… 5 Ha servent de parcours et de pâture pour les animaux. Enfin 3 Ha sont exploités pour la culture de vignes, dont les fruits sont transformés en vin à la ferme.

Auparavant, Miki élevait 500 autruches pour leur viande. Mais les difficultés de ce marché l’ont contraint à abandonner cette production. Aujourd’hui il ne reste qu’une autruche sur l’exploitation, comme animal d’ornement.



Miki nous fait partager le rakia


Entretien avec Andrija Caric, directeur d’une coopérative viticole, Podgorica


Innovation :

- Valorisation d’un produit biologique par une haute qualité gustative et environnementale


Andrija est viticulteur et transformateur sur l’île de Hvar, au sud de la côte croate. Il est directeur d’une coopérative qui transforme le raisin de 240 vignerons, dont 80 sont coopérateurs. Cela représente une surface de 600 Ha de vignes. La majeure partie de la production est transformée à Zagreb. Le cépage principal est nommé « Plavac Male », exclusif aux îles croates. Cependant la recherche des parents de certains cépages californiens a montré que cette variété avait été exportée en Amérique. La méthode de vinification pratiquée dans la coopérative existe depuis plus de 2000 ans. Elle a débuté lorsque l’île de Hvar était une ancienne colonie grecque. Une pièce de monnaie témoignant de l’hégémonie grecque et représentant une coupe de vin a été retrouvée sur l’île. La coopérative s’est appropriée le symbole pour créer le logo actuel de ses bouteilles.

Une partie du vignoble est consacrée à l’agriculture biologique depuis 2002, initiative personnelle d’Andrija : 35 Ha regroupés sur le domaine « Ivan Dolac ». Ces coteaux situés au-dessus de la mer adriatique bénéficient d’un ensoleillement exceptionnel. 240 000 ceps sont exploités et permettent de produire entre 50 et 60 000 litres de vin biologique (la production de 3 à 4 ceps est transformée en 1 litre de vin). L’utilisation de soufre pour lutter contre l’oïdium est autorisée en agriculture biologique. Parmi les 11 vins biologiques produits en Croatie, la coopérative en produit 3, ce qui représente une part significative de la production nationale.

La coopérative a participé à de nombreux concours internationaux en présentant ses meilleurs vins dont la production est limitée (1000 à 3000 bouteilles vendues entre 20 et 50 € le 1/2l). Elle a par exemple remporté la médaille d’or des « Vinalies internationales 2006 » à Paris, et la médaille de bronze des « Decanter world wine awards » à Londres la même année.

Andrija possède 1 Ha sur le domaine Ivan Dolac. Ses parcelles lui permettent de réaliser des tests en production biologique (irrigation, espacement des rangs…)




 Andrija Caric nous présente le domaine Ivan Dolac

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :